RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Retraites : La Grande Tricherie.

Le gouvernement a présenté son projet de « réforme » des retraites. Des quatre-pages publicitaires dans toute la presse en vantent à profusion les mérites. Le quotidien Les Échos du 10 juillet présente cette réforme comme le souhaite le gouvernement. Mais ce journal, peu suspect de critiquer cette réforme, la présente aussi, dans la même page, selon sa propre vue(1).

Se plaçant en 2020, il détaille en effet « l’effort de redressement » de 30 Md€ prévu. Cet « effort » est supporté par les salariés, les entreprises, et des recettes nouvelles ne touchant pas les entreprises. Les salariés, du fait du report de l’âge légal de la retraite, participent pour 20,2 Md€, et, du fait de la hausse des cotisations salariales des fonctionnaires, pour 4,9 Md€.

Les entreprises, notamment du fait de minorations d’allégements de charges, participeront pour 2,2Md€. Le solde est constitué de diverses recettes nouvelles, hors entreprises, dont 1 Md € de taxes supplémentaires sur les revenus du capital.

L’effort supporté par les salariés est donc de près de 84%, celui supporté par les entreprises de 7%.

Le gouvernement triche

Que disait le gouvernement, repris et martelé par les médias :

* « le problème est démographique, la solution doit être démographique » ;

* « l’espérance de vie augmente donc il faut reculer l’âge légal de la retraite et/ou augmenter le nombre d’années de cotisations » ;

* sans oublier, bien sûr, qu’« il ne faut pas obérer la compétitivité des entreprises françaises ».

Mais le problème est-il réellement démographique ?

Le titre des Échos du 16 juin 2010 : « Les besoins de financement du système de retraite ont triplé avec la crise » résume bien la situation. Situation d’ailleurs décrite dans le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) et même dans le document d’orientation du gouvernement. Que les besoins de financement triplent avec la crise signifie que la crise représente 66% des besoins de financement et la démographie 33%.

Même si on acceptait le slogan du gouvernement, « le problème est démographique la solution doit être démographique », cette solution ne devrait pas excéder 33% du financement. Or les salariés à eux seuls supportent 84% ! Les salariés supportent donc à plein l’impact de la crise sur les retraites. Ce serait plutôt aux financiers et aux banques de supporter le poids de leurs erreurs.

En plus, il y a arnaque

Revenons à la « démographie ».

L’espérance de vie a augmenté et notamment l’espérance de vie à partir de 60 ans, ce qui majore notablement la charge des régimes de retraite, c’est certain. Mais les effets du « papy-boom » sont encore plus importants. Or, ce « papy boom » vient directement du « baby boom » des années 1946 à 1970. Il y aurait eu largement le temps d’anticiper ses effets !

Justement l’ARRCO (2), qui avant la crise ne présentait pas de déficit notable à l’horizon 2020/2030 avait en partie intégré depuis longtemps ses effets. L’ARRCO, du fait de la réforme, va donc devenir excédentaire… et déjà le patronat réclame une baisse de ses cotisations...

Le gouvernement Jospin, constatant que rien ou presque n’avait été fait pour ce papyboom a alors créé le Fonds de Réserves des Retraites (FRR) pour alléger une partie de la charge des régimes. C’était une bonne ou une mauvaise idée, mais elle a eu le mérite d’exister. Les gouvernements de droite qui ont suivi se sont empressés de mettre fin à la grande majorité du financement de ce FRR. Sans le remplacer par quoi que ce soit. Et maintenant, alors qu’il y avait de nombreuses années pour faire face à ce problème, le gouvernement présente la facture, en urgence !

Oui, l’espérance de vie à partir de 60 ans a progressé jusqu’à maintenant de 1,4 an par dix ans. Mais les « réformes » de 1993 et de 2003 (Fillon) parlent explicitement de cet allongement. Sans succès apparemment !

Ces gouvernements de droite sont décidément très mauvais. Il reste l’augmentation de l’espérance de vie entre 2003 et 2010. Et sur cet aspect il serait effectivement légitime que les employeurs et, sous conditions, les salariés, financent ce coût supplémentaire.

Les salariés et les employeurs. Car au nom de quoi les salariés devraient-ils toujours supporter - seuls - toutes les augmentations de coûts ?

En 1993, comme en 2003. Il n’y a pas eu de majoration de cotisations patronales. Pourquoi ? Pour ne pas obérer la compétitivité des entreprises ?

Là aussi il y a arnaque

Pour préparer cette « réforme », le gouvernement avait demandé au Directeur général de l’Insee, Jean-Philippe Cotis, un rapport sur le partage salaire/profit de la « valeur ajoutée » (VA) des entreprises françaises. Au grand dam du patronat qui y voyait la possibilité d’ouverture d’une boîte de Pandore.

Mais la communication du gouvernement, les médias, et aussi la mauvaise foi manifeste du rapport, ont fait qu’une seule idée a été retenue : « depuis 20 ans le partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits n’a pas varié ».

Le tableau ad hoc (fig. 2 page 10 du rapport et joint en annexe 1) du rapport le montre effectivement. Mais il montre aussi qu’avant ces 20 dernières années, la part des salaires dans la valeur ajoutée était largement plus élevée. Beaucoup plus dans les années 80, mais aussi bien plus auparavant, et de façon relativement stable. Et le « point » de valeur ajoutée représente approximativement 16 Md€ !

Mais si la part des salaires a baissé, où est donc passée la différence ? Est-elle passée en investissements qui auraient eu le mérite de conforter ou de créer des emplois et de la richesse réelle ? Non, un coup d’oeil sur le partage des profits, après impôts, suffit. Les investissements(3)ont stagné, mais les profits distribués aux actionnaires ont, eux, largement augmenté.

Si l’espérance de vie à partir de 60 ans est passée entre 1981 et 2010 de 20 ans à plus de 24 ans, les dividendes sont passés de 3,2% à 8,4% du PIB ! (sociétés non financières, source : INSEE)

Il y a donc de quoi, entre taxes sur les fauteurs de la crise financière et cotisations des entreprises, et voire - sous conditions - des salariés, financer largement les retraites. Même si il faut tenir compte de la disparité des rentabilités des entreprises.

La « réforme » du gouvernement n’est ni juste ni équilibrée

Les salariés supportent 84%d’un coût global du pour 66%à la crise et à 33% à la démographie. Les entreprises en supportent 7% et les fauteurs de la crise : rien ! Les petits salariés sont les plus touchés, à la différence des cadres du secteur privé ayant fait quelques études supérieures qui ne le sont pratiquement pas. Alors ?

Au-delà du fait que rien ne figure quant à « l’emploi », élément essentiel pour les retraites, et l’économie en général, il y a plus grave encore. Le gouvernement et le Medef vont maintenant essayer de faire baisser les salaires, comme cela a déjà commencé en Allemagne (4). Cela creusera encore plus les déficits publics et nécessitera une nouvelle « réforme » des retraites.

Les retraites générales seront ainsi progressivement réduites au niveau anglo-saxon. Un espace sera enfin ouvert pour des systèmes facultatifs privés en capitalisation, pour le plus grand profit des Assurances et Banques capitalistes, deux secteurs parmi les plus grands pourvoyeurs de fonds du Medef et soutiens actifs, et pour cause, de la réforme !

Pierre Mascomère
actuaire consultant.

Source : http://www.m-pep.org/spip.php?article1727

(1) « un effort de redressement de 30 Md € », Les Échos du 10 juin 20 10.

(2) Arrco : régime de retraite obligatoire pour les salariés du secteur privé complémentaire au Régime général de la Sécurité sociale.

(3) Les investissements ne représentent que 9% environ des profits. Et Nicolas Sarkozy a l’air malin qui clamait que les profits devaient être répartis en trois tiers !

(4) On lira à ce sujet les notes Flash économie de Patrick Artus, n° 238 du 12 mai 2010, « Il vaudrait mieux accroître les salaires qu’augmenter les dettes publiques » et n° 271 du 31 mai 2010, « Faut il baisser les salaires dans la zone euro ? ».

Annexe 5

URL de cet article 11105
  

Même Thème
LA TYRANNIE DU BIEN VIEILLIR
Martz Didier, Michel Billé
La tyrannie du Bien Vieillir, voilà bien un paradoxe ! Il faut être un peu iconoclaste pour aller s’en prendre à une si belle idée, qui fait si largement consensus : « bien vieillir ». Bien vieillir, qui pourrait être contre ? Qui ne le souhaiterait pas pour soi-même et pour autrui ? Qui oserait affirmer préférer vieillir mal ? C’est que le désir de bien vieillir de chacun sans trop d’inconvénients est devenu un slogan qui anime les cercles politiques, court dans les maisons de retraite, envahit les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »

John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.